Comment aborder les NFT et le Métaverse quand on produit l’un des Vins les plus recherchés dans le Monde?

VISUEL Marchais Jourdan

Comment aborder le monde des NFT quand on produit l’un des vins les plus recherchés dans le monde? Quels sont les risques majeurs que les domaines prestigieux peuvent encourir s’ils laissent aujourd’hui des intermédiaires utiliser leur nom pour créer des NFT et engager des initiatives dans le métavers, ce nouveau monde virtuel amené à se développer fortement dans les prochaines années? Après une première analyse en Janvier 2022, Guillaume Marchais (avocat associé au cabinet Marchais & Associés) et Guillaume Jourdan (spécialiste de l’image des grands noms du Vin) répondent ensemble à ces questions en expliquant qu’il faudra être trés sélectif dans sa stratégie NFT car « le risque majeur pour les grands vins est l’absence totale de garantie pour les consommateurs, face à des NFT qui ne proviennent pas du domaine. La facilité avec laquelle tout tiers, détenteur de bouteilles authentiques qu’il aura achetées, d’en faire des NFT sans l’accord du domaine non seulement porte atteinte aux marques vitivinicoles mais en outre fait perdre la main aux propriétaires qui ne peuvent finalement plus contrôler leur propre distribution. »

Devant la profusion de créations de NFTs à travers le monde, n’y a t-il pas aujourd’hui un risque latent pour les grands vins ?

Dés janvier 2022, nous anticipions une tendance de fond irréversible consistant, pour les marques de luxe mais pas seulement, à recourir aux NFT. Cette tendance se confirme, et toutes les marques se préparent, en particulier dans le domaine de la mode et du luxe, mais aussi du vin. Aujourd’hui, des maisons et sociétés de plus en plus nombreuses investissent le et dans le Métavers. D’un point de vue juridique, les dangers sont toutefois nombreux et, si certes à l’heure actuelle personne ne peut avoir de certitudes car le recul manque encore, il apparaît clairement qu’il faut anticiper ces risques. Quels sont-ils ? Pour ce qui concerne l’aspect des droits de propriété intellectuelle, l’actualité de ces derniers mois témoigne des problématiques de contrefaçon qui ont surgi et se sont multipliées ; rappelons l’assignation aux Etats-Unis par la pionnière Hermès (qui envisage désormais elle aussi d‘entrer dans l’univers du Métavers), de l’artiste Mason Rothschild pour contrefaçon de ses marques et modèles de sacs Birkin ; l’affaire n’est pas encore jugée mais la décision est attendue car elle permettra d’avoir davantage de certitudes sur les sanctions dans un univers virtuel et d’adapter les stratégies de protection juridique : le droit classique, applicable aux contrefaçons « physiques », sera-t-il applicable en l’état aux contrefaçons ayant lieu dans le Métavers ? Certains pays jugeront-ils différemment d’autres ? Comment créer les conditions d’une sécurité juridique pour les maisons et entreprises du luxe et du vin ? Tels sont les enjeux des décisions de justice à venir, mais en attendant, il faut anticiper car le risque d’être contrefait est très important et le fait que le Métavers soit un univers virtuel démultiplie le nombre de contrefaçons possibles en même temps qu’il complexifie la possibilité de les appréhender et de les stopper. Un autre risque majeur pour les grands vins est bien sûr l’absence totale de garantie pour les consommateurs, face à des NFT qui ne proviennent pas du domaine. La facilité avec laquelle tout tiers, détenteur de bouteilles authentiques qu’il aura achetées, d’en faire des NFT sans l’accord du domaine non seulement porte atteinte aux marques vitivinicoles mais en outre fait perdre la main aux propriétaires qui ne peuvent finalement plus contrôler leur propre distribution (contrairement au luxe qui, lui, dispose de réseaux physiques); or la traçabilité est un atout essentiel pour les grands noms du vin, qui, avec les NFT et la blockchain, pourront tracer chaque bouteille et maîtriser tant les NFT que les bouteilles correspondantes lorsqu’elles sont finalement livrées.

Que doivent faire les domaines pour éviter ce danger du Web3 ?

Les marques de luxe et de vin se préparent activement. Depuis quelques mois, de grandes marques ont procédé à des dépôts de marques, aux Etats-Unis et en Europe particulièrement, pour protéger leurs NFT et leur activité dans le Métavers. Par exemple, Nike, les cosmétiques Clinique, McDonald’s et Red Bull, mais aussi Gucci et Victoria’s Secret, ont procédé à des dépôts de marques pour désigner spécifiquement leurs produits respectifs virtuels et leurs activités de vente sur le Métavers. Le doute est en effet permis sur l’applicabilité ou non du droit des marques classique, c’est-à-dire pour des produits physiques et des services réels, à des cas de contrefaçon virtuelle ; pourra t’on se baser sur un enregistrement traditionnel de marque en classe 18 (maroquinerie) ou 25 (vêtements), par exemple, ou en classe 33 (vin) pour s’opposer à des actes d’usage sans autorisation de ces marques pour des sacs, vêtements ou bouteilles virtuels ? Bien qu’à priori la réponse semble affirmative compte tenu de l’apparente similarité entre eux, la réponse n’est pas sûre, ne serait-ce qu’en raison de leur nature différente (objet/fichier téléchargeable). Aussi, en attendant une éventuelle nouvelle classe spéciale ‘Métavers’ que la classification internationale des produits et services pourrait éventuellement accueillir à l’avenir – sous l’égide de l’OMPI – ces maisons ont fait le choix de la sécurité et de déposer pour ces produits et services virtuels, essentiellement en classe 9 pour les NFT définis en l’occurrence comme des fichiers téléchargeables, et en classe 35 pour les services de vente de produits dans des univers virtuels. Les grands noms du vin ne doivent pas faire exception à ces dépôts préventifs, sous peine de perdre un avantage concurrentiel en même temps que la main sur leur distribution, les marques ciblées leur permettant de réagir plus efficacement contre des usages sans l’autorisation dans le Métavers et autres éventuels univers virtuels.

Le Métavers constitue t-il le nouvel enjeu majeur (à la fois risque et opportunité) du monde des grands vins en ce qui concerne la gestion de leur image ?

Nous assistons avec l’avènement des NFT et du Métavers à un bouleversement d’une ampleur comparable à celle de l’Internet à la fin des années 1990 ; le monde du vin n’y fera pas exception en combinant tradition et modernité quant à la distribution et à l’image de marque. Le Métavers offre plusieurs avantages au monde du vin, en particulier aux grands noms : outre la création d’un objet de collection impérissable, le NFT en soi, cet univers virtuel va grandement améliorer l’image de marque des vins et leur offrir un élargissement de leur clientèle. Autre aspect majeur, évoqué ci-dessus : garantir aux grandes maisons et propriétés la traçabilité de leurs bouteilles. La traçabilité des NFT est en effet une autre caractéristique très avantageuse pour le marché du vin. En effet, la contrefaçon reste un véritable fléau auquel se heurte le secteur vitivinicole. Les faussaires de vin font facilement fortune et on estime que les bouteilles contrefaites représentent un peu plus de 20% du commerce international de vin, dont la moitié en Chine. Les NFT, qui plus est bien protégés par des dépôts de marques ciblés, sont donc l’un des meilleurs moyens pour lutter contre ce problème, conduisant ainsi à une augmentation des ventes pour les maisons et propriétés. Les grands noms du vin reprennent la main sur leur distribution grâce aux NFT et, encore une fois, en terme d’image ne peuvent retirer que du positif de leur présence sur le Métavers, à condition de prendre en amont toutes les précautions et de bien choisir leurs partenaires stratégiques.

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