Hermès, NFT, Dépôts de Marque et Métavers : Le Monde du Luxe face à un nouveau challenge

VISUEL Marchais Jourdan

Le propriétaire de Facebook, Meta, vient d’annoncer son arrivée prochaine sur le marché des objets numériques NFT et vise un marché estimé à 40 milliards de dollars autour de la création et de la vente de tokens non fongibles. Instagram et Twitter ont suivi trés rapidement. En quelques mois, la folie NFT et Metavers a pris une nouvelle dimension et le monde du Vin en sera fortement impacté comme je l’écrivais récemment sur INSIDE BORDEAUX (lien). Les marques doivent être prêtes pour cette nouvelle aventure qui nécessitera un accompagnement de haut niveau car les problématiques sont complexes. Afin d’aider ses clients dans leur stratégie de Marque à travers le monde, VitaBella Luxury & Lifestyle collabore avec de nombreux experts. Dans l’univers du luxe, que ce soit pour le vin, les cosmétiques ou la joaillerie par exemple, la protection de la marque dans ce nouveau monde virtuel sera un des enjeux majeurs de demain. L’annonce d’Hermès, la semaine dernière, le montre bien: le groupe de luxe a porté devant la justice son différend avec l’artiste américain, Mason Rothschild, qui s’est inspiré de ses sacs Birkin pour créer et vendre des objets numériques dans le monde virtuel du métavers. Pour nous apporter un éclairage sur cette révolution en marche, nous donnons la parole ici à Guillaume Marchais, avocat associé au cabinet Marchais & Associés.

Quels sont les enjeux que laisse se dessiner cette annonce d’Hermès, aujourd’hui, pour les marques de luxe ?

Guillaume Marchais: « La maison Hermès s’inscrit pour le moment à contre-courant de l’engouement fulgurant des marques de mode et de luxe pour le métavers et les NFT. En effet, même si sa réaction face à ce qu’elle considère à juste titre comme une contrefaçon de ses droits sur le sac birkin (« les MetaBirkins ») est légitime, son annonce va plus loin puisqu’elle indique ne pas vouloir rejoindre cet univers virtuel pour le moment, contrairement à la quasi-totalité des marques de luxe. Hermès, probablement prudente malgré les profits importants d’ores et déjà réalisés par ses homologues, met en avant l’importance de l’expression tangible des objets physiques manufacturés. Au-delà du cas Hermès, la tendance du recours aux NFT est une tendance de fond, probablement irréversible, s’appuyant sur la sécurité liée au support de la blockchain. Hermès franchira donc très vraisemblablement le pas mais son annonce a eu le mérite d’alerter sur les risques liés à ces « copies » virtuelles, après quelques autres alertes comme le NFT du taureau Picasso en version animée, créé par l’artiste Trevor Jones, retiré de la plateforme OpenSea suite à l’intervention de la Picasso Administration, chargée de faire respecter les droits de propriété intellectuelle sur les créations du prolifique artiste. Ces copies ou adaptations virtuelles sous formes de NFT, donc à des fins commerciales, posent en effet clairement la question de la contrefaçon des œuvres d’origine, ou des marques liées aux créations. »

Quels sont les types de recours et peuvent ils aboutir?

Guillaume Marchais: « Les Metabirkins apparaissent clairement, même si cela n’est pas jugé, comme des contrefaçons des droits d’Hermès ; de ce point de vue, que les reproductions illicites d’œuvres d’art, de produits de luxe ou usages non autorisés de marques aient lieu dans cet univers virtuel ne change au fond pas la donne : il s’agit de contrefaçons, comme pour des copies ou des actes qui auraient lieu dans le monde réel. Les recours sont donc les mêmes, en France comme ailleurs, et les chances de succès les mêmes. C’est plutôt le nombre de copies qui me semble devoir poser problème, car l’intelligence artificielle va permettre d’innombrables « avatars » et déclinaisons de produits, notamment de luxe, donc multiplier les contrefaçons et renchérir le coût de la lutte anti-contrefaçons pour les maisons de luxe. En réalité, si je puis dire, nous sommes à l’aube d’une multiplication des contrefaçons en raison de la vitesse à laquelle vont se répandre les NFT ; ceux-ci comme le métaverse ne sont finalement que des supports, mais ils vont compliquer la tâche des maisons dans la lutte contre la contrefaçon. Les textes de loi semblent en tout état de cause, suffisants, peut-être introduiront-ils à l’avenir de nouvelles mesures spécifiques à cet univers digital. »

Comment le monde du Vin peut il se protéger en amont pour éviter ce genre de problèmes?

Guillaume Marchais: « Le monde du vin est bien sûr concerné par les NFT et le métavers, en particulier les marques haut de gamme et de luxe, mais pas seulement. Le premier cas significatif, au moins en France et à ma connaissance, a été l’alliance entre Dom Pérignon et la célèbre artiste Lady Gaga au mois d’octobre dernier, avec l’offre à la vente dans un pop-up entièrement digital de NFT de bouteilles (bien réelles) en édition limitée de Dom Pérignon millésimés 2005, 2006 et 2010 et désignées par Lady Gaga. Plus récemment, Hennessy a créé son premier NFT, à savoir une bouteille au design et à l’emballage très originaux, dus à l’artiste Arik Levy, d’un Cognac dénommé Hennessy 8 et disponible sur la plateforme digitale Block Bar. Les acheteurs peuvent se procurer, en cryptomonnaie, des exemplaires de ces NFT, ou commander la bouteille « réelle ». Il est clair que les grandes maisons et les domaines prestigieux vont suivre, notamment en raison des profits importants pouvant être attendus des NFT. Pour anticiper les difficultés et réagir efficacement contre les contrefaçons bien réelles qui vont inévitablement se multiplier dans cet univers virtuel, le monde du vin doit, plus que jamais, déposer tout ce qui peut l’être, à commencer bien sûr par les marques vitivinicoles concernés mais aussi les designs des créations ainsi dévoilées (dépôts de modèles, marques 3D, copyright dans les pays de dépôt). En ce qui concerne les dépôts de marques, là aussi la situation va peut-être évoluer, l’on peut certes, lorsque la bouteille sera uniquement virtuelle, imaginer de déposer pour un libellé du type « vins virtuels, accessibles en ligne en cryptomonnaie et non téléchargeables, destinés à une utilisation dans un environnement virtuel », en classe 33, même si à l’heure actuelle les dépôts classiques pour des « vins » ou « spiritueux » sans autre précision demeurent parfaitement protecteurs contre la contrefaçon. »

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(Guillaume Jourdan a rédigé ce post. Contactez le via LinkedIn)