Vendanges 2014 avec Laurent Lignier: « Préservons notre diversité et notre caractère »

laurentlignier

Ses « Clos de la Roche » sont devenus mythiques à travers le monde au même titre que les vins d’Henri Jayer. Laurent Lignier, du domaine bourguignon Hubert Lignier, produit des vins d’une incroyable finesse et d’une pureté extraordinaire. Il intervient dans notre série de l’été sur www.vitabella.fr où de grands noms du vin se retrouvent quotidiennement pour donner leur opinion sur l’une des questions fondamentales posées avant l’arrivée des premiers raisins : Erafler ou ne pas Erafler ?

Quelle est votre position au domaine: Erafler ou ne pas érafler? Est ce que cette position a changé dans l’histoire du domaine?

Laurent Lignier: « Notre Domaine a toujours pratiqué l’éraflage depuis que mon père Hubert vinifie, c’est à dire depuis la fin des années 1950. Mais depuis quelques années, nous introduisons un pourcentage de grappes entières sur quelques cuvées. J’ai pratiqué cette première expérience en 2006 sur les cuvées Clos de la Roche et Morey 1er Cru Vieilles Vignes, en choisissant les plus belles petites grappes sur la table de tri. Il s’agissait d’une proportion d’environ 10 % de grappes entières. Difficile de comparer l’apport de la rafle dans la cuvée. J’ai trouvé dans cette cuvée des notes mentholées, mais cela venait-il du terroir très calcaire ou de l’apport des rafles en si petite quantité? Je n’ai pas la réponse aujourd’hui, malgré d’autres expériences en proportion de 10 à 20 % en 2009, 2010, 2012. J’ai toujours évité l’apport de grappes entières dans les années où la maturité et l’état sanitaire n’étaient pas suffisants.. »

Selon votre propre expérience, quels sont les cotés positifs et négatifs de conserver la rafle pour les cépages avec lesquels vous travaillez?

Laurent Lignier: »Garder la rafle? Je pense que cela peut apporter un support aromatique complémentaire, certains acides et peut-être un complément minéral? Mais ce que je crains le plus dans la préservation de la rafle, c’est d’extraire des tanins trops durs, trop astringents. Erafler? Les meilleurs tanins sont contenus dans la peau de raisin. Ce sont des tanins plus soyeux, plus mûrs, plus souples. Il est plus facile aussi de vinifier en éraflant qu’en gardant des grappes entières, en particulier lors des pigeages. »

USA, Australie, France…A travers le monde, de plus en plus de domaines font des essais depuis quelques années de vinification en grappes entières (ou, en tous cas, gardent un certain pourcentage de rafles): pensez vous que cela peut être une prochaine tendance de fond dans le monde du vin?

Laurent Lignier: « Une tendance ou une mode? Je le crois. Journalistes et clients, importateurs et cavistes me posent souvent cette question de grappes entières. Ils peuvent nous influencer à suivre un mouvement qui tend à s’amplifier ces dernières années, bien que certains domaines qui pratiquaient 100 % de grappes entières reviennent aujourd’hui à quelque chose de plus raisonnable, leurs cuvées étant souvent trop tanniques avec des tanins trop durs. Par expérience, nos cuvées 100 % eraflées ont souvent produit des qualités exceptionnelles, alors pourquoi changer? La qualité des vins dépend plus de la qualité du travail à la vigne, de charges modérées en production et de tri sévère avant la vinification que de la grappe entière ou non. Mais la rafle peut apporter, à dose modérée, un complément aromatique intéressant. En conclusion, il n’y a pas une méthode pour faire un grand vin, mais plusieurs, et c’est bien cela qui est intéressant! Préservons notre diversité et notre caractère, ce sera aussi notre force face à l’uniformisation du goût dans le monde… »

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