Et si Bordeaux s’inspirait de la Champagne?

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Chaque année, c’est la même histoire : toute l’attention se porte sur les prix lors de la campagne des primeurs bordelais. Or le consommateur d’aujourd’hui n’en veut plus ; il attend de belles histoires humaines nourries par la passion et la vision. Bordeaux a connu, au fil de son histoire, plusieurs moments clés. Il y eut d’abord le sacro-saint classement, appris religieusement et respecté sans réserve. Puis, peu à peu, ce classement est tombé en désuétude. Surgit alors Robert Parker, qui réinventa la hiérarchie en osant parfois placer un troisième cru classé devant un premier. « Quelle nonchalance ! Quelle folie éhontée ! » criait-on dans les châteaux et chez les experts français. Mais les acheteurs du monde entier ont applaudi : on remettait enfin en question le piédestal sur lequel les plus grands vins de Bordeaux étaient juchés. Qui plus est, le trublion était…américain ! Le Vieux Continent grimaçait ; le reste du monde jubilait et adorait. On mettait enfin un peu d’inclusivité dans ce monde trés exclusif.

Les grands vins de Bordeaux ont dû s’adapter; un « goût Parker » a émergé, et d’autres critiques internationaux ont, à leur tour, recomposé chaque année leur propre classement. La Champagne n’est jamais tombée dans ce piège: là-bas, la classification repose sur la qualité intrinsèque du terroir — village, premier cru ou grand cru. Ni Robert Parker ni aucun autre critique ne s’est avisé de publier une hiérarchie annuelle. Pendant que Bordeaux vivait sous le diktat de la notation, la Champagne en profita pour mettre en lumière l’excellence de vignerons capables de rivaliser — voire de surpasser — les maisons historiques : Selosse, Henri Giraud, Cédric Bouchard, et bien d’autres.

Ce ne sont pas les critiques qui ont fait de ces femmes et de ces hommes les nouvelles icônes champenoises ; c’est la Champagne elle-même qui les a portés au pinacle, offrant à la région un nouveau formidable élan. Imaginez : des vignerons stars, élaborant des champagnes extraordinaires à partir d’un cépage parfois jugé secondaire — le pinot meunier — sur des terroirs même pas classés premier cru, propulsant la « nouvelle Champagne » sur la scène mondiale… Quelle impertinence ! Quelle joie ! Quel exemple d’inclusivité et d’ouverture d’esprit ! Le public adore, surtout les jeunes générations, amateurs comme professionnels.

Cette révolution, Bordeaux ne l’a pas (encore) vécue; pourtant elle devra l’engager si la région veut retrouver l’engouement et le prestige dont elle jouissait autrefois. C’est la stratégie à adopter pour faire taire le « Bordeaux bashing » — que je combats depuis 2013 avec la campagne #StopBordeauxBashing que j’ai initiée— et redonner de la désirabilité à un marché aujourd’hui atone. N’ayons pas peur de voir émerger, au plus haut niveau de la hiérarchie, des vignerons bordelais, comme la Champagne a su le faire. C’est le salut d’une région, d’un peuple, d’une culture tout entière qui se joue. Faisons rêver de nouveau, mais autrement, version Bordeaux 3.0. Les consommateurs de demain n’attendent que cela de la part de la région star. Avec impatience.

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