Monsieur Robert Parker, Bienvenue à bord du Vol EP2010 Bordeaux First Class ! Veuillez attacher votre ceinture, des turbulences sont à prévoir…

Monsieur Robert Parker, Bienvenue à bord du Vol EP2010 Bordeaux First Class ! Veuillez attacher votre ceinture, des turbulences sont à prévoir…

Guillaume Jourdan

(Cet éditorial est un résumé d’un rapport VitaBella Luxury Wine – Réalisé par Guillaume Jourdan)

Pour être un « Vin de Luxe », il ne suffit pas d’augmenter le prix de ses bouteilles. Les châteaux doivent aussi se donner les moyens de leurs ambitions. A ma connaissance, je ne connais aucune industrie dans le Luxe, mis à part celle du vin (hors Champagne), qui fait exploser ses prix et qui ne met pas en face des moyens importants pour soutenir sa propre marque. Car si les fameuses bouteilles de ces châteaux sont vendues en Primeur à des prix record, il faudra ensuite qu’elles atteignent l’autre bout de la chaîne avec toutes les considérations de marge que cela prend en compte, pour arriver sur la table de l’amoureux du vin qui dira finalement au sommelier: je veux cette bouteille. A des prix aussi élevés que ceux annoncés ces derniers jours, le parcours risque de devenir de plus en plus long. Et il se peut même parfois que ces bouteilles ne trouvent jamais preneur. Ce rapport exclusif VitaBella Luxury Wine analyse les trois types de crise possible ainsi que les mesures que les châteaux doivent prendre dés à présent.

Robert Parker, « Le gourou des vins de Bordeaux » a récemment déclaré « qu’il serait une erreur » d’augmenter le prix des primeurs 2010. « S’ils sont plus élevés qu’en 2009, nous allons avoir une grosse, grosse crise » a t-il dit. Il a recommandé de proposer le prix du millésime 2010 à 10% ou 20% de moins que celui du millésime 2009. Il a également dit qu’il était triste de voir dans son pays, avec un « faible dollar », la perte de part de marché des vins de Bordeaux sur les menus des restaurants et dans les boutiques de vins où les prix paraissent trop élevés. » Bordeaux est l’épicentre des meilleurs vins dans le monde et je déteste voir l’image endommagée par le fait que les gens ont tendance à penser que c’est trop cher « . »Bordeaux est trop axé sur les riches marchés asiatiques » a déclaré Parker. » Malgré le fait que la Chine ait beaucoup de gens riches, « c’est un jeu très dangereux s’ils augmentent les prix parce que l’économie mondiale est très, très fragile.  »

Quelle analyse pouvons nous faire à partir de ces commentaires et à la vue des prix des Primeurs 2010 déjà annoncés?

1) « L’émergence d’une bulle » : Est-ce que l’augmentation du prix des 2010 verra l’émergence d’une bulle ou sommes-nous déjà dans la bulle? En fait, trés souvent quand je commence à lire des articles d’experts qui expliquent l’émergence d’une bulle, cela signifie généralement que la bulle va éclater très bientôt … Mon avis est que nous sommes déjà dans la bulle dont Robert Parker parle. Cette bulle s’est développée au cours des dernières années avec l’augmentation forte du prix de nombreux châteaux et avec la spéculation sur quelques grands noms (Lafite Rothschild …). En fait, je crois que l’émergence de la bulle n’est pas devant nous mais derrière nous.

2) »S’ils sont plus élevés que 2009, nous allons avoir une grosse, grosse crise. » La crise, mais quelle crise ? Trois types de crise en particulier:

La crise du « milieu de gamme cher », voire trés cher : On le voit malheureusement dans toutes les industries, le milieu de gamme est le ventre-mou qui souffre terriblement. Nombre de châteaux qui se trouvent dans cette définition du milieu de gamme ont fortement augmenté leurs prix récemment. La crise dont parle Robert Parker aura un impact direct sur ceux là. Concernant les quelques grands noms, 100 euros de plus sur une bouteille ne fera pas une grande différence…

La crise de la « Transition » : Le monde du vin change avec un marché plus volatile et incertain. Les chateaux doivent s’adapter. Les turbulences seront nombreuses comme dans n’importe quelle industrie qui connait des changements importants dans son environnement. Mais s’il n’y a jamais eu autant d’incertitude, il n’y a jamais eu autant d’opportunités. De nouveaux marchés s’ouvrent et ils sont prometteurs. Face à ce paradoxe, les grands châteaux doivent maintenant considérer que l’incertitude est une constante et ils devoir changer leur manière de planifier l’avenir. Le changement est un défi permanent dans le monde de l’entreprise. Les grands vins de Bordeaux connaissent maintenant ce même défi et devraient se préparer à des turbulences pendant cette phase de transition. Les marchés financiers ont connu une énorme augmentation de la volatilité au cours des 20 dernières années. Il va maintenant en être de même pour les grands Vins de Bordeaux.

La crise des « Copies »: Avec la flambée des prix, le marché de l’art n’a jamais eu autant de copies. Avec l’augmentation du prix des grands vins dans les années 70, la contrefaçon s’est développée. La récente explosion des prix peut faire craindre une explosion de la copie. Comme dans l’Art, ceux qui seront les plus impactés réuniront tous les ingrédients pour séduire les contrefacteurs: une oeuvre prolifique, une notoriété internationale, une cote parmi les plus élevée. Et comme dans l’art (la contrefaçon dans l’art génére un commerce illicite évalué à environ 6 milliards d’euros par an), les faux seront de plus en plus difficiles à déceler. Pour rappel, plus de la moitié des meubles ou objets Art déco (vendus à des prix élevés) en circulation seraient faux…

3) Quelques idées pour réussir dans ce nouvel environnement

Un retour en arrière sur les prix comme Parker le recommande avec une baisse de 10 à 20% ? il est déjà trop tard et si nous sommes face à une grosse, grosse crise, je doute de l’éfficacité d’une simple baisse de 10 à 20% sur les Primeurs 2010.

Penser au delà de la note et créer un univers de marque comme les maisons de champagne l’ont fait depuis 30 ans. Aux niveaux de prix atteints (du jamais vu à Bordeaux), la seule référence à la note d’un grand expert ne suffit plus à expliquer le prix d’un vin. La note extraordinaire confirme la qualité exceptionnelle d’un vin du point de vue de l’expert, c’est un fait. Mais à des niveaux de prix comme ceux atteints ces derniers jours, le consommateur final attend un « supplément d’ame » que l’on ne lui offre que rarement aujourd’hui. Les maisons de champagne savent faire cela trés bien et leurs grandes cuvées peuvent se vendre à des prix élevés, en volume, grâce à une approche communication et marketing efficace.

Acquérir de nouvelles compétences : Le monde du vin dans lequel nous vivons connait aujourd’hui un niveau de volatilité jamais atteint. Savoir ce que l’avenir nous apportera relève de la conjecture pure. En fait, l’avenir prend forme autour de nous et en considérant de plus près les changements actuels, nous pouvons prédire le monde de demain. Les châteaux doivent avoir un nouveau regard sur les forces actuelles qui ont radicalement remodelé le monde des vins de luxe et envisager un plan d’avenir afin de renforcer leurs positions au niveau mondial et de renforcer leurs marques. Parmi tant d’autres, la maîtrise de la communication globale et du marketing de la marque fera partie de ces nouvelles compétences dont les châteaux auront besoin pour être performants dans ce nouvel environnement hautement volatil.

(Ecrire à l’auteur de ce rapport info@vitabella.fr)