Faut il acheter les noms de domaine (.vin) et (.wine) ?

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(Ce post « Faut il acheter les noms de domaine (.vin) et (.wine) ? » a été rédigé par Guillaume Jourdan*)

De nombreux domaines nous demandent aujourd’hui ce qu’il faut faire. C’est en effet le moment d’y penser car le calendrier du lancement a été annoncé. Collaborant avec Guillaume Marchais sur des dossiers compliqués et parfois sensibles pour de grands noms du Vin, j’ai souhaité aujourd’hui lui poser 3 questions afin d’apporter l’éclairage d’un expert sur ce sujet. Les précédents numéros de la newsletter Vini Ma®k du cabinet Marchais & Associés avaient régulièrement informé des péripéties ayant retardé le lancement de ces noms, dont la délégation a finalement été attribuée à DONUTS. Ces noms vont devenir une réalité rapidement et les grandes lignes en sont les suivantes : il y a tout d’abord une période prioritaire dite « Sunrise period », du 17 novembre 2015 au 16 janvier 2016, ouverte aux titulaires de marques inscrites dans la Trademark Clearinghouse (TMCH). Alors que doivent faire les marques ? Guillaume Marchais et moi-même sommes tous les deux d’accord : il va falloir passer par la case « TMCH ».

Châteaux, domaines, marques de Vin…Ont-ils raison de s’intéresser à ce sujet aujourd’hui ?

Guillaume Marchais: « Effectivement le sujet est d‘importance, à la mesure des péripéties que ces noms ont connu avant d’être enfin lancés. Depuis quelques années nous avons vu l’arrivée de plus de 1000 nouvelles extensions à l’initiative de l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), afin de relancer l’intérêt pour la réservation de noms de domaine. Autant certaines extensions peuvent sembler totalement inutiles, autant les fameuses extensions en (.vin) et (.wine) ont immédiatement suscité l’intérêt mais aussi, corrélativement, la méfiance, voire la franche hostilité des milieux viticoles, en particulier en France et en Europe. En effet, aucun mécanisme de protection n’était prévu pour les appellations d’origine et indications géographiques, dont on pouvait craindre à juste titre une réservation frauduleuse et massive par des entreprises ou individus n’ayant aucune légitimité à le faire. La fronde a été menée tout particulièrement par la CNAOC, rejointe par la Secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle LEMAIRE, puis, la contestation prenant de l’ampleur, par de nombreux lobbys viticoles à travers le monde dont plus de 2000 wineries américaines réunies en 2014 autour du projet « Protect wine place and origin ». En parallèle, la société américaine DONUTS INC. remportait aux enchères la délégation des noms de domaine en (.vin) et (.wine), de la part de l’ICANN, c’est-à-dire que c’est cette société qui a été désignée pour gérer et attribuer les noms de domaine en (.vin) et (.wine). L’une des principales pierres d’achoppement consistait à obtenir de la part de DONUTS la signature d’accords permettant des modalités de protection des appellations et indications géographiques, qui étaient réclamées. Cet accord ayant vu le jour, les extensions en (.vin) et (.wine) ont officiellement été déléguées à DONUT, à la grande satisfaction des milieux viticoles. Désormais, il n’y a plus de raison de se méfier particulièrement des noms de domaine en (.vin) et (.wine), en raison des mécanismes de protection qui ont été conquis de haute lutte (il existe ainsi une liste de « noms réservés » correspondant à de très nombreuses appellations, intouchables donc)« .

Alors ces noms de domaines ? Gadgets ou pas ?

GM: « Je pense qu’en l’espèce ces extensions ne sont pas de simples « gadgets » comme ont pu l’être bien des extensions crées par l’ICANN uniquement pour des rentrées d’argent ; il y a ici un véritable enjeu, je pense que nous verrons fleurir des sites en (.vin) et surtout (.wine). C’est donc au niveau défensif, pour éviter de nouveaux cas de cybersquatting et par conséquent faire des économies, que la réservation de ces noms est à mon sens utile. Et dans ce cas, il faut « jouer le jeu » et passer par la case « TMCH », réservation prioritaire qui me semble nécessaire pour les grands noms du vin à travers le monde. Quelques mots sur ce sigle étrange TMCH, qui signifie Trademark Clearinghouse : il s’agit d’un dépositaire, constitué conjointement par la société DELOITTE pour l’authentification et la validation des droits de marques et par la société IBM pour la partie technique, à laquelle l’ICANN a confié le soin, pour de nombreuses nouvelles extensions dont les (.vin) et (.wine), de valider des droits de marques, permettant une réservation prioritaire de ces extensions. L’idée est donc de créer une période de réservation prioritaire (« Sunrise period ») pendant laquelle les titulaires de marques vitivinicoles enregistrées peuvent réserver prioritairement les noms de domaine en (.vin) et (.wine) sans craindre de cybersquatteurs« .

Que doit-on faire alors ?

GM: « Le calendrier a été accéléré et nous y sommes déjà. Deux périodes principales ont été déterminées. La plus importante est la « Sunrise period », qui vient de s’ouvrir le 17 novembre et ce jusqu’au 16 janvier 2016. C’est une procédure de validation permettant aux titulaires de marques enregistrées d’obtenir un certificat numérique, à condition d’avoir rapporté la preuve de leur(s) enregistrement(s) de marque(s) et aussi, cumulativement, de l’usage de leur(s) marque(s) enregistrée(s). C’est sur la base de cette validation, par la TMCH, que la réservation des noms de domaine en (.vin) et (.wine) sera possible sans craindre le cybersquatting. Je pense enfin utile de préciser que: 1) Seules des marques enregistrées peuvent être validées dans la TMCH, pas des dépôts récents non encore enregistrés 2) Les extensions en (.vin) et (.wine) qui seront ensuite attribuées le seront à l’identique des marques, sans variation possible. Par exemple, le titulaire d’une marque CHATEAU DURAND ne pourra réserver que (chateaudurand.vin) ou (chateau-durand.vin), sans ajouter ou retrancher d’élément 3) De même, en pratique, il est important de noter que si un Château ou une Maison est titulaire d’une marque comportant plusieurs éléments, il ne pourra pas réserver l’un de ces éléments seulement, mais devra déposer une nouvelle marque pour ce seul élément. »

Travaillant sur des problématiques de marques à l’international, notre expertise en Communication et Marketing au sein de VitaBella nous amène régulièrement à travailler avec le cabinet Marchais & Associés. Aujourd’hui nous aidons les marques de Vin à mieux comprendre et analyser les enjeux stratégiques et cette extension de noms de domaine est un sujet à considérer sérieusement. Pouquoi? Parce qu’à l’issue de cette « Sunrise period » s’ouvrira, à compter du 27 janvier 2016, la période de réservation pour tous, sans aucune justification à apporter, et ce sur la base de la célèbre règle « premier arrivé, premier servi ». Cela signifie que, dans le cas où une propriété viticole n’a pas validé sa marque prioritairement dans le cadre de la TMCH, n’importe qui pourra réserver, pour 1 à 10 ans, un nom de domaine en (.vin) ou (.wine) correspondant à ce nom de Château, de Maison ou de propriété viticole. Les propriétés et maisons connaitraient alors les affres des réservations frauduleuses et les aléas et coûts d’une procédure en vue de tenter de récupérer ces noms, d’où le très grand avantage à passer par la TMCH, préventivement et à moindre coût. L’autre avantage de la TMCH est qu’elle constitue un outil de surveillance permettant d’informer de dépôts de noms de domaine qui seraient identiques à une marque déclarée mais qui n’auraient pas été réservés, et donc de réagir en mettant en œuvre la procédure extrajudiciaire et très rapide spécialement prévue à cet effet, à savoir la procédure URS (Uniform Rapid Suspension), sorte d’arbitrage très rapide et peu coûteux. En conclusion, réservez vos marques dès à présent dans le cadre de la TMCH pour vous mettre à l’abri préventivement des réservations frauduleuses.

Au sujet de Guillaume Marchais : Avocat à la Cour, fondateur du Cabinet MARCHAIS & Associés spécialisé en droit de la Propriété Intellectuelle, Guillaume Marchais est plus particulièrement spécialisé en droit des marques viti-vinicoles et est chargé d’enseignement en Master de droit vitivinicole à l’Université de Suze-la-Rousse.

Au sujet de Guillaume Jourdan: Intervenant régulierement (voir prochaine intevention) auprés des entreprises, Guillaume Jourdan a démarré sa carrière dans les cosmétiques de luxe. Il a ensuite conseillé des groupes cotés en bourse dans leur stratégie de communication financière. Au sein du groupe Bertelsmann, il a été membre exécutif du board de Lycos en tant que Directeur Communication Monde avant de créer VitaBella Luxury Wine. Depuis 2004, il a conseillé plus de 200 grands noms du Vin dans leur stratégie en Marketing & Communication. Guillaume est diplômé Ecole de Commerce et MBA.